CREA 2018

Par Bruno Dias et G.A.-D.

Prédominance digitale
Mais que fait la Suisse ?

La société digitalisée développée par les Etats-Unis s’est abattue sur la planète. Comme un ouragan, un nouveau monde numérique avance créant frénétiquement sa révolution. Empoignant le sujet, la 9ème édition du CREA Digital Day s’est tenue à guichet fermé au Théâtre du Léman à Genève. Pas moins de 1300 personnes se sont précipitées pour participer à la série de talks réunissant les plus éminents experts de l’ère digitale actuelle. Regards.

Si l’Asie, s’accrochant au wagon des nouveautés, comble son retard, l’Europe, emmitouflée dans ses acquis et sa réputation de Vieux Monde, avance sur un rythme proche du calme plat. Et la Suisse digitale ? Avec beaucoup d’atouts, elle sait préserver ses chances, même si son état d’esprit doit encore évoluer. Et Fathi Derder, Vice-président de DigitalSwitzerland de rappeler l’excellence du système de formation suisse tant académique que professionnelle, la présence sur son territoire de grandes entreprises internationales et, la vitalité de son tissu économique. Le défi de la Suisse : attirer les cerveaux. Et les garder. Tout en encourageant la prise de risque !

Avis partagé par David Marcus. Ce Genevois expatrié à Silicon Valley, Président de Messenger chez Facebook, encourage les talents à venir aux USA, véritable tremplin pour se hisser au niveau planétaire… La Suisse est un pays riche envié pour ses avantages, mais qu’en est-il du digital ? Sur ce terrain, entreprises, PME et startups n’ont pas manqué d’engager le dialogue avec les scientifiques et les politiques. Si Berne est sensible aux mises et aux opportunités évidentes, avec des conditions cadres très précises, les sept départements étant tous concernés par le numérique, la démarche est de ce fait lente et les décisions dilatoires. Face au digital, la Suisse doit repenser son système politique et s’adapter à une révolution numérique éclair qui fait (déjà) tomber les barrières…

La politique en devenir

Avec DigitalSwitzerland, une plateforme permettant de faire entendre les enjeux du digital au politique, pour mener de leur côté leur action, les entreprises dialoguent entre elles et consultent les scientifiques. Pour Pierre Maudet, Conseiller d’Etat du canton de Genève, les réseaux sociaux ont véritablement changé le monde de la politique : « Le numérique, c’est la suppression des intermédiaires, le politique peut s’affranchir des médias, des lobbys. Le citoyen a un accès direct au politique, les réseaux sociaux l’ont mis sur un pied d’égalité ». Bruno Bonnell, Député LRM de la 6ème circonscription du Rhône – actif lors de la campagne politique digitale d’Emmanuel Macron – met l’accent sur l’incidence de la transparence en politique avant d’ajouter : « Il faut repenser l’éducation, l’approfondissement du numérique doit s’accompagner d’un apprentissage des humanités ». Point partagé par Pierre Maudet.

Apportant plus de transparence encore, la blockchain évite les falsifications, quelle que soit leur nature. Ainsi avec la fin des intermédiaires, elle permet de réunir des milliers d’ordinateurs et, faisant fonctionner un lourd système de validation, offre une authentification en théorie inviolable. C’est sur un tel système que reposent les systèmes monétaires virtuels comme le Bitcoin. Vincent Pignon, fondateur de WeCan.Found démystifie la technologie blockchain qui signe la fin d’Internet tel que nous le connaissons. Dans leur forme actuelle Facebook et Google sont voués à disparaître et notre monde centralisé sera à l’avenir totalement décentralisé. Tous les intermédiaires, Uber, Airbnb etc. n’existeront plus. Une révolution annoncée!

L’éthique au centre du débat

Sur un autre plan, si Internet est une bénédiction pour les droits humains, c’est aussi une source de menace en raison de la diffusion de fake news. Dans ces campagnes de désinformation, véritables dangers pour la démocratie, les Facebook, Google et Twitter ont un rôle majeur à jouer pour en empêcher la propagation. Pour Dr Dorothée Baumann-Pauly, Directrice de recherche chez NYU Stern School of Business, spécialisé en éthique et dans les Droits de l’Homme, la solution passe – sans empêcher le droit à la parole – par davantage de contrôle humain. Les moyens ? L’amélioration des algorithmes détectant les contenus sensibles et l’action des gouvernements. L’Allemagne, par exemple, poursuit en justice les géants du net si les fakes news ne sont pas retirées dans les 24h !

La digitalisation lance clairement de nouveaux défis éthiques et moraux qui ne s’arrêtent pas aux fake news. De nombreux pays comme les USA, la Russie, le Royaume-Unis etc. travaillent sur les armes autonomes, un système capable de détecter une cible et de l’anéantir sans intervention, ni décision humaine. Ces systèmes capables de reconnaitre des formes humaines sont déjà déployés sur des frontières tout en étant encore dans l’impossibilité d’identifier une cible civile ou militaire. « Une machine qui calcule ne fait pas de choix moral ou éthique » met en garde Maya Brehm de l’ONG Article 36 œuvrant à limiter ces nouveaux systèmes. Résultat ? L’ONU planche désormais sur un traité visant à réguler les conflits armés de demain.

Le futur c’est maintenant

Sur le plan marketing, on est entré dans l’âge de l’expérience. Le public ne désire plus des produits mais souhaite vivre des expériences. Coca-Cola ne vend plus de boissons, mais des moments magiques entre amis. Christophe Mallet, co-fondateur de Somewhere Else, agence spécialisée dans les technologies immersives va plus loin encore, prophétisant la mort des pubs sous leurs formats actuels. L’avenir de la publicité passe par la réalité virtuelle et par la réalité augmentée, car seuls ces médias permettent de faire cette fameuse expérience du produit.

Le paysage cinématographique, en particulier, sera fortement bouleversé par cette réalité virtuelle. Ronald Menzel, fondateur de Dreamscape un studio de réalité virtuelle basé à Genève et à Los Angeles, collabore avec les plus grands studios d’Hollywood : Warner, MGM, Disney, DreamWorks etc. Objectif : permettre au spectateur une plongée dans le film grâce à un système de motion capture et un casque VR. D’ailleurs, le premier multiplex VR au monde, avec la capacité d’accueillir jusqu’à 1500 personnes par jour, va bientôt voir le jour à Los Angeles. Le film de Steven Spielberg Ready Player One sera le premier à offrir à son public une expérience VR. Pour Ronald Menzel, un tel projet n’aurait pas été possible en Europe, alors qu’aux Etats-Unis, on n’hésite pas à prendre des risques ! Frileux les Suisses ?

A l’assaut du digital

Dans le monde des médias fortement chahutés, de nouveaux supports voient le jour, entièrement numériques, à l’exemple du magazine féminin leader des millennials Les Éclaireuses qui cartonne. « Le but étant de créer une proximité, c’est un média pensé totalement pour le téléphone et l’interaction sociale. » avance Melody Madar. A travers les réseaux sociaux, les lectrices décident elles-mêmes du contenu ! Autre secteur d’activité à tirer avantage des nouvelles technologies, la Banque Pictet. Les lois entrées en vigueur depuis la crise des subprimes ont encombré l’administration au détriment du service client jusqu’au lancement d’une application qui, outre les informations recherchées par le client sur ses comptes, permet également un contrôle client. Un gain de temps considérable pour Olivier Capt responsable marketing pour Pictet.

Contraintes par leur clientèle, les entreprises s’adaptent au monde numérique à la vitesse grand V. L’Occitane par exemple utilise une stratégie digitale s’appuyant sur 3 piliers : l’analyse du data – le bon message au bon moment – l’analyse des frictions et un renouvellement constant qui suit les avancées technologiques. Autre notion d’importance : confie Anne Lesueur directrice de l’e-commerce de la marque provençale : D’ici 2020, 30% des navigations se feront vocalement, il est donc impératif d’y travailler ! Sans oublier, parole d’Emmanuel Ledrich, marketing cloud specialist chez Oracle, que les sites Internet pourraient largement s’améliorer grâce à l’intelligence artificielle qui permet de personnaliser la navigation en soumettant à l’intéressé uniquement les produits qu’il préfère…

Enjeu majeur : le sport

Le digital impacte aussi le monde du sport. Paul Niemeyer, country manager DACH pour Strava nous présente l’application éponyme, qui met en lien, à travers le monde, des millions de sportifs, amateurs et professionnels. Pensée comme un club de sport digital, chacun peut donner et recevoir conseils et encouragements en se mesurant à d’autres sportifs, sans annonceur, ni publicité ! Le but de Strava est d’être une communauté, raison pour laquelle l’app a fait le choix de l’indépendance. La révolution digitale passe également par l’e-sport. Aujourd’hui, tout le monde joue à des jeux vidéo, sur un ordinateur, une console ou un smartphone, devenus des professionnels, certains joueurs gagnent plusieurs millions.

L’e-sport représente un marché colossal affirme Vinzenz Kögler, président de la Fédération suisse d’e-sport. « La principale plateforme diffusant de l’e-sport, Twitch (et YouTube vient de lui emboiter le pas) compte près de 665 millions de spectateurs ; la finale du championnat du jeu League of Legends rassemble 43 millions de spectateurs qui ne cessent de croitre. Aux USA, pour les 15-25 ans, l’e-sport est aussi populaire que le sport. » Sponsorisant ces compétitions, les marques ne s’y trompent pas, Intel et Asus, Coca-Cola, Red Bull, Audi ou Gillette s’y engouffrent, tout comme Swisscom en Suisse.

La société digitalisée s’est abattue sur la planète. Il convient de l’apprivoiser !

27 février 2018
Crédit photo CREA
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