En Antarctique

Par Bernard Pichon

Le voyage d’une vie

Très exclusives, les croisières polaires séduisent de plus en plus les voyageurs et, les Romands en particulier. Ces aventures aux confins de la planète seraient-elles le dernier recours pour échapper au tourisme de masse ?

 Immensités. On estime que 100.000 visiteurs ont navigué en Antarctique l’an dernier, dont 75.000 ont posé pied à terre. Il faut mettre ces chiffres en perspective : cet immense continent est vaste comme deux fois l’Australie, et le territoire visité lors d’une croisière ne dépasse pas deux millimètres sur la carte. Comme du Sahara, on ne revient jamais indemne d’une confrontation avec le plus grand désert glacé du monde, même si l’on n’en a frôlé qu’une infime parcelle Exploris One est le dernier venu parmi les navires affectés aux explorations polaires. Pour Eric Lustman, co-directeur de la compagnie : « Il s’agit de répondre aux attentes d’une clientèle désireuse de se couper radicalement du monde. Ce genre d’aventure haut de gamme a évidemment un prix et constitue – pour la plupart – une expérience unique. Envisagée comme exceptionnelle, elle ne devrait pas surcharger la mauvaise conscience des voyageurs responsables…s’il remplace leurs multiples escapades de l’avant-Covid »

Concept. Le bateau n’est pas qu’élégant : au confort des cabines s’ajoute des espaces bien adaptés à une ambition culturelle. Exploris One y accueille des historiens, glaciologues, ornithologues, botanistes et autres scientifiques francophones qui enrichissent la croisière par leur encadrement sur le terrain. Priorité à la découverte : L’esprit d’expédition l’emporte sur les divertissements communs aux paquebots du XXIe siècle, souvent assimilés à des parcs d’attractions. L’équipage – du chef d’expédition au capitaine – et les conférenciers partagent les repas des passagers dans une convivialité de bon aloi.

Itinéraire. Les voyageurs gagnent d’abord Ushuaïa, en Argentine – le mythique bout du monde popularisé notamment par Nicolas Hulot – d’où partent toutes les croisières. Il faut ensuite affronter le Drake, traversée mythique entre deux mondes, immersion totale dans le caractère capricieux des océans. Souvent agité de vagues tumultueuses, ce corridor maritime ouvre une porte vers l’Antarctique, suscitant à la fois l’excitation de l’inconnu et le respect envers les forces marines. On est plus ou moins sensible au mal de mer, que l’on soit marin expérimenté ou simple touriste confronté pour la première fois à ses désagréments. On peut opter pour le confinement en cabine ou pour le patch (dispositif médical transdermique fixé derrière l’oreille) avant d’aborder un tracé plus calme, véritable autoroute embouteillée d’icebergs et de fragments de banquise à la dérive.

Grand écran. Le peintre est économe en couleurs : lorsque le ciel est gris, il réduit sa palette au seul contraste du noir et du blanc. Mais soudain, un bloc de glace peut faire sécession et se parer d’une auréole de bleu caribéen. Le moniteur de kayak explique le phénomène. On l’écoute distraitement, tant le défilé des structures gelées capte l’attention. Monotone ? Que nenni, rien ne ressemble moins à un iceberg qu’un autre iceberg. Ce défilé de sculptures verse dans l’extravagance : tabulaire géant, gratte-ciel, cube ciselé, cathédrale, arche et pyramide que l’on peine à mettre à l’échelle, à moins qu’un Zodiac ne vienne s’y frotter. N’importe quel chasseur d’images vous le dira : ici, la lumière a quelque chose d’unique, et sa photogénie fait merveille. Attention, danger : ce mouvement apparemment constant peut soudain se figer pour piéger le navigateur inexpérimenté ! A terre comme à bord du navire, la sécurité est prioritaire.

Dépaysement. La rencontre d’un autre navire est exceptionnelle : la navigation d’agrément est ici soumise à une réglementation censée éviter toute saturation. Limitées à quelques centaines de mètres, les balades à terre sont surveillées par les éclaireurs du bateau qui, en reconnaissance, viennent de les baliser par la pose de piquets. Les journées de croisière se divisent entre les activités à bord : repas, briefings, projection de films d’exploration, exposés – parfois très pointus – et les navettes de Zodiacs emmenant à tour de rôle une dizaine de passagers dûment équipés et encadrés à la rencontre de la faune marine. Lorsqu’il est possible de s’en approcher, on peut aussi tomber sur quelque vestige d’ancien campement scientifique, comme celui de ces scientifiques britanniques, courageusement confinés dans leur refuge de l’île Detaille (années 1950). Adapté en permanence aux conditions météorologiques capricieuses, l’itinéraire se (re)définit d’heure en heure en fonction des circonstances.

Fragilité. Débarquer sur ce territoire impose des précautions drastiques, notamment le dépoussiérage et la désinfection de tout l’équipement. Invité à bord, le glaciologue Léo Decaux explique : « En fait, la plus grande menace pour l’Antarctique n’est ni le réchauffement, ni la contamination, ni la pollution…c’est d’en ignorer les enjeux, car ce territoire est menacé par l’exploitation de ses ressources : hydrocarbures, minéraux, eau douce, etc. ». Les forages et l’extraction minière pourraient polluer les sols et les eaux marines, menaçant un écosystème fragile. Incertain, l’avenir soulève également des questions éthiques et géopolitiques : qui aurait le droit d’exploiter le pôle Sud, comment s’effectuerait le partage des profits ? Il paraît donc important de sensibiliser le public à ces enjeux et de faire pression sur les gouvernements pour qu’ils s’engagent à protéger l’Antarctique, jusqu’ici dédié à la science et à la paix.

Y aller. Pour gagner Ushuaïa, Air France relie d’abord Genève à Buenos Aires via son hub de Paris Charles de Gaulle. Arrivé dans la capitale argentine, on passe une nuit (Hôtel Palladio ****), incluse dans le prix de la croisière, comme le vol domestique du lendemain, jusqu’au port d’embarquement et, comme le retour vers Buenos Aires, à la fin du voyage. On peut évidemment profiter de ce périple pour prolonger le séjour en Amérique latine.

Exploris est représenté à Genève par Jerrycan Voyages

 

 

 

 

 

 

 

24 février 2024
Texte et photos par Bernard Pichon
Bandeau supérieur : Découverte d'un crépuscule antarctique
Bandeau inférieur : L'Ile Petermann
Site officiel www.airfrance.ch
Site officiel www.exploris.co/fr_FR
Site officiel www.jerrycan-voyages.ch/
Antarctique Exploris One Ushuaïa
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