Festival des Bastions

Par Georgika Aeby-Demeter

Entretien avec Fabrizio von Arx
Fondateur et Directeur artistique 

Initiateur du Festival des Bastions, il a porté à bout de bras la rencontre musicale dont la réputation dépasse largement les frontières genevoises et suisses. En plein marasme sanitaire, dans une effervescence visionnaire, ce virtuose du violon, enfant prodige d’origine napolitaine – aujourd’hui installé en Suisse – a proposé au public la plus prestigieuse affiche qu’un Directeur artistique puisse offrir aux passionnés de musique. Mélomanes éclairés ou néophytes. Avec cette 3e édition à l’esthétique musicale sans pareille, si le Festival des Bastions, n’est plus à présenter, c’est ici, l’occasion de découvrir Fabrizio von Arx, l’homme derrière l’événement ! Echanges.

Exclusif Magazine : Vous avez débuté le violon dès l’âge de 5 ans mais vous auriez dit un jour, que tout a commencé pour vous avec Angel, le célèbre Stradivarius sur lequel vous jouez. Est-ce vrai ?

Fabrizio von Arx : En effet, j’ai commencé à jouer du violon dès l’âge de 5 ans et à gagner des concours internationaux qui m’ont propulsé très tôt en concert à travers le monde ! Ma voie a été vite tracée et, très jeune, je ne rêvais déjà que de ces violons mythiques, le Stradivarius dont le son en nuances infinies résonne comme une voix. Pure, aiguë tel un chant d’oiseau, ou avec des graves venus des profondeurs de l’âme … Une consonance unique correspondant aussi bien à la musique classique et que contemporaine.

Dans certains circuits très fermés, s’il était possible d’obtenir un Stradivarius en prêt, on pouvait imaginer s’en servir pendant 10 ans… Toute une vie, cela semble égoïste ! Moi-même, je devrais un jour songer à transmettre mon Stradivarius Angel, ce joyau de 300 ans avec lequel j’ai bâti mon parcours et joué ces récentes années. J’y apporte une attention majeure et projette de nombreuses opérations culturelles à travers la réhabilitation de la Maison- Atelier de Stradivari à Cremone pour laquelle j’ai créé la Fondation éponyme. J’ai en outre de grandes perspectives en vue pour les nouvelles générations…

ExMag : Vous affirmez vibrer à travers Angel avec 300 ans d’histoire de la musique. Par l’affiliation des époques, est-ce là un lien, une transmission … que vous évoquez ?

F.v.A : Sur un Stradivarius et, Angel en particulier, les vibration et résonnance sont en parfait équilibre entre l’instrument, le musicien et le public. Le son d’un Stradivarius de 300 ans s’adapte à toutes les œuvres, classiques aussi bien que contemporaines. Et, c’est en ceci que réside la transmission et le lien.

ExMag : Vous avez des thèmes récurrents et, démocratiser la musique classique en est un… Pour votre premier concert avec Angel, vous avez joué devant les prisonniers de la Brenaz à Genève… Il vous plait également de mixer les genres durant le festival, opéra, flamenco, pop… Est-ce une manière de démocratiser la musique classique ?

F.v.A : La musique classique a pris cette voie toute seule. Soudain, dans un formidable élan, le musicien et son instrument vont vers les autres, vers d’autres musiciens, d’autres publics. Pavarotti, au top de sa carrière, a chanté avec ses amis – toutes tendances musicales confondues – en frac et dans des lieux grandioses où il se produisait… Il est resté dans son monde avec sa musique… autrement ! Sortir du théâtre traditionnel, aller dans les écoles, les parcs et les espaces où on se rassemble, aéroport, gares, centres commerciaux apportent une émotion qui sort des enjeux habituels. Démocratiser, c’est rendre proches, apprendre à voyager, à communiquer avec les gens. Se produire en prison, quelle fabuleuse expérience ! Les flash mobs – concerts impromptus – vont dans le même sens ! Il en a été ainsi à l’aéroport de Cointrin lors d’un vol retardé. Avec les membres de la Camerata du Léman, nous avons donné un concert spontané vu par des millions de personnes sur les réseaux sociaux…

ExMag : La première de cette édition du Festival est dédiée aux victimes de la guerre en Ukraine et, plus que jamais on parle de paix qui devient fragile et rare. Les enfants, jouant dès leur plus jeune âge sur scène, sont des messagers de paix… tout comme Angel baptisé au Vatican un 21 septembre Journée Internationale de la Paix. Comment retrouver cette paix ?

F.v.A : La Paix est très chère ! La musique est un langage universel allant au-delà des mots. Au début, elle a accompagné la prière et, il n’existait pas de meilleure manière de prier qu’à travers la musique. Elle remplit la conscience de celui qui croit ! A l’exemple de Jean-Sébastien Bach qui, à travers son œuvre liturgique, lance un message transcendantal inspiré d’une profonde foi religieuse. La musique a un pouvoir de paix, une puissance qui peut s’avérer également dangereuse par son côté subliminal ! On devrait s’attarder sur la vocation d’équilibre et de paix qu’elle porte et enseigner son langage obligatoire dans toutes les écoles. Dans tous les pays du monde ! Ecouter de la musique classique revient à entendre les stars d’antan jouer sur des instruments en bois alors qu’aujourd’hui, l’électronique prend les commandes. Partout et toujours, il a existé une bonne et, une mauvaise musique !

ExMag : En pleine pandémie, vous avez lancé le Festival des Bastions, un événement musical gratuit qui en est aujourd’hui dans sa 3e édition. Est-ce toujours ce sens de la démocratisation qui vous enjoint à faire ce choix ? Sans entrées, comment faire face pour boucler financièrement une manifestation de cette envergure ?

F.v.A : Avec des idées de qualité, de la persévérance et de la volonté, doublées d’une bonne communication, on obtient des soutiens. Des mécènes et des sponsors qui ont confiance dans le projet.

Au pied de la cité, jadis appelé Belle promenade, le Parc des Bastions « est aménagé à partir de 1720 pour fournir aux habitants une promenade à l’intérieur des remparts de la ville lors de la restriction des déplacements destinés à protéger Genève de la peste de Marseille… ». C’est l’Histoire qui se répète » Aujourd’hui encore, c’est une bulle arborée où retrouver la nature. Installé là, on peut voir derrière la verrière du Restaurant du Kiosque ces échiquiers géants qui font partie du décor !

Nombreux à assister à ces concerts gratuits, ils occupent des chaises selon le principe de premiers arrivés, premiers assis, utilisant celles mises à disposition sur la terrasse du restaurant ou, encore, installées dans le périmètre du parc, profitant du festival librement… En version concert-diner avec un repas servi avant ou après la représentation, dans ce cadre, qu’importe la formule, c’est un pur enchantement.

 

15 juin 2022
Bandeau supérieur Fabrizio von Arx et son fabuleux Stradivarius Angel sur la scène du kiosque des Bastions (c) Festival des Bastions
Bandeau inférieur Festival des Bastions ouverture le 12 juin 2022 concert dédié aux victimes des conflits armés en Ukraine. (c) GAD
Site officel : www.fabriziovonarx.com/fabrizio-von-arx/
Site officiel : www.bastions.ch/festival-des-bastions
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