Industrie du tourisme en crise

Par Georgika Aeby-Demeter

The Essence of Luxury Travel Show : Le grand luxe rêve de retour à la nature

Courant mars 2020, Marbella s’attendait à accueillir sous le ciel andalou, Essence of Luxury Travel Show. La 6ème édition de l’exceptionnel salon professionnel et son workshop rassemblant, sous la houlette de Traveller Made, l’élite de l’industrie du voyage grand luxe. Un virus insidieux et les autorités espagnoles en ont décidé autrement. Fondateur de cet événement unique ciblant les clients Ultra High Net Worth Individuals (UHNWI) et réunissant les meilleurs concepteurs de destinations sur mesure, Quentin Desurmont, CEO de Traveller Made, en visionnaire audacieux n’abandonne pas le terrain. Ni les projets.

C’est une rencontre au sommet prévue autour des perspectives et ambitions d’un marché niche, aux exigences infinies et en constante progression, qui vient d’être reportée. Réservée aux plus éminents spécialistes et créateurs de voyages grand luxe, Traveller Made attendait à Marbella les stars de l’industrie et leurs partenaires. Aujourd’hui, le prestigieux cercle compte 447 agences membres associées, pas moins de 70 pays participants, 1200 fournisseurs agréés, dont 930 hôtels. Ils œuvrent pour des clients illustres ou, certains moins connus, issus tous de ces quelques 220 000 familles, les plus fortunées du monde. 50 000 d’entre elles – avec un avoir de près de 30 à 50 millions de dollars – sont clients de ces agences créées pour réaliser leurs rêves.

Cependant, face à la situation que vit l’industrie du tourisme, il est légitime de se poser une première question, comment se projette l’avenir du secteur en général et quelles seront les conséquences pour les voyages ultra luxe au sortir de la crise du Covid 19 ? Pour Quentin Desurmont : « Sur le terrain, le tourisme de masse en pâtira le premier. Le repli se fera en faveur des voyages domestiques, essentiellement sur le marché local par peur de quarantaine. Après ce confinement, c’est un besoin d’espace qui va s’imposer, d’air pur, de retrouvailles, pour faire du sport et atteindre sérénité et bien-être. Toutes ces aspirations se sont progressivement dessinées dès 2015. »

Remarquable et unique laboratoire du voyage grand luxe, Traveller Made attire les meilleurs experts – orateurs et conférenciers – véritables oracles prêts à apprécier les tendances, les éprouver et affiner le carnet des exigences. Ils sont 25 dans l’entourage rapproché de Traveller Made à anticiper les mouvances du luxe. A cet effet en 2015, à l’initiative de Quentin Desurmont, une étude basée sur des recherches scientifiques auprès des agences agréées et, autres partenaires touristiques, a permis de définir une nouvelle manière de voyager. Avant-gardistes pour lors, six tendances se sont imposées et restent d’une actualité pointue encore aujourd’hui ! Quentin Desurmont les a commentées à tour de rôle.

En premier, le Voyage émotion. A ne pas confondre avec l’effet waouaw, ce premier degré au-delà des attentes, qui interpelle, étonne et surprend ! L’émotion correspond ici à une expérience simple mais dense. A un moment si puissant qu’il exige une pause O temps suspend ton vol * ! C’est l’instant intense qui se fige, qu’on étreint dans une prise de possession gourmande. Le vivre ensemble authentique qu’on partage. La culture et la nature éveillent des réactions émotionnelles de cette puissance. Aujourd’hui, après deux mois de confinement, une version du voyage parfaitement d’actualité !

Au 2e rang des tendances, le Voyage expérimental s’élance sur les traces des grands explorateurs, avec Cousteau, Paul-Emile Victor. Et, pourquoi pas, plus proches de nous en Suisse, avec la famille Piccard et Horace-Bénédicte de Saussure, fondateur entre autres, de l’alpinisme. Suivre les anciennes expéditions, pour se mettre, enfin, à vivre ? Oui, dans le confort, le luxe et la sécurité ! Avec le Coronavirus, on a peut-être, pris conscience qu’il en était temps !

Voyager, partir loin, ailleurs… le dépaysement est parfois violent ! Si soudain, on n’était pas encore prêt à accueillir tant de merveilles, à cueillir tous ces bonheurs, tous ces parfums. Le Slow Travel permet, progressivement, de larguer les amarres, de quitter la civilisation par étapes. Se préparer à oublier les impératifs du quotidien, s’imprégner d’un mode d’emploi nouveau. Sur un rythme de vie différent. Au sortir de l’aéroport, imaginez par exemple que vous reprenez un petit avion pour vous transporter aux portes du désert où un 4X4 vous attend. Les paysages défilent au gré des soubresauts du véhicule, des chameaux traversent la scène… Arrivés, vous contournez des dunes pour suivre un Touareg et… là, tous vos problèmes s’effacent. Voyager, c’est changer de vie, vous y parvenez ici en douceur. Avec le confinement, on en a tous rêvé !

Privacy Travel ! Le même confinement nous a appris la distanciation. Ne sommes-nous pas partout, trop nombreux ? L’autre est omniprésent. Son comportement, ses habitudes et besoins transgressent notre espace vital qui rétrécit, s’amenuise… L’autre est devenu aujourd’hui une menace insidieuse. Voyager seul ou dans l’intimité du couple, le cercle familial et amical rapproché, sans subir la présence intrusive d’inconnus ? Sur un yacht, au large, en toute sécurité. N’est-ce pas un rêve qui s’est imposé ces derniers mois de tourmente ? Jusqu’à l’obsession.

Apparue en 5e position, une urgence s’est manifestée dans le choix des destinations, le voyage de la dernière chance, Last Chance To See Travel. On réalise, avec l’effet Greta Thunberg et la prise de conscience marquée en faveur de la planète, que des espaces menacés allaient disparaître. Des rivages et des îles, la faune et la flore, tout un univers qu’il n’est plus certain de pouvoir préserver. « Le développement durable est essentiel au grand luxe. Il devient de plus en plus important d’ailleurs » affirme Quentin Desurmont. Si on croit que le luxe vicie avec ses jets privés et autres extravagances fastueuses, en réalité la pollution numérique est un fléau bien plus menaçant. Mails, vidéos, réseaux sociaux sont nettement plus polluants. On ne le dit pas assez ! » souligne-t-il.

Les technologies numériques produisent, au total, plus de gaz à effet de serre que les transports aériens, sans compter que leurs dépenses énergétiques suivent une courbe régulière croissante. Sur la lancée, cette hausse devrait inexorablement dépasser l’ensemble des émissions produites par les automobiles et autres deux roues circulant sur la planète ! Détail d’importance à mentionner ici, l’image globale de la pollution que le luxe génère est totalement fausse ! Des villages entiers disséminés aux confins du monde survivent grâce à ces incursions d’étrangers fortunés. Aussi, last but not least, la tendance s’affirmant de plus en plus, ancrée dans les esprits et les cœurs, le voyage Feel the Universe, s’installe en 6e position. Ressentir la planète (re)découvrir les senteurs, couleurs et murmures de la nature. Et, observer les étoiles… L’ultime luxe ! L’ultime bonheur.

Calme et détente au bord de la mer (c) Maurice MTPA

 

En visitant des lieux démunis de tout, encouragés par leurs agents et conseils, les voyageurs ultra riches découvrent le philantrotourisme. Bill Gates prend ainsi en charge au Botswana, l’éducation de jeunes ayant la capacité et le désir de poursuivre des études. D’autres, offrent des terrains permettant, en ces régions isolées, la construction d’infrastructures, de lodges et d’hôtels de luxe dont la fréquentation, en restant confidentielle, assure la préservation de l’éco système. Il ne faut pas se tromper de combat, la priorité reste l’Homme. Ces voyageurs privilégiés à la réussite financière éclatante sont curieux, intelligents… L’aventure chevillée à l’ADN, ils se laissent volontiers guider afin de découvrir ce qu’il convient d’entreprendre pour soutenir les économies locales… Le luxe, à lui seul, représente 10% du PIB mondial. *Alphonse de Lamartine Le Lac, poème issu du recueil Les Méditations poétiques.

Propos recueillis par Georgika Aeby-Demeter.
Distanciation exige, échanges à bâtons rompus au bout du fil avec Quentin Desurmont CEO de Traveller Made.

Lire le prochain article Exclusif Magazine sur les destinations de luxe les plus recherchées, référencées par Traveller Made.

11 mai 2020
Bandeau supérieur (c) Costa Navarino
Photos © G.A.-D& Traveller Made
Site officiel www.travellermade.com/
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