Le Libéralisme et après ?

Par Georgika Aeby-Demeter

Le Libéralisme et après ?

Conférence de Guy Sorman au Grand Hôtel Kempinski Genève

Sur invitation de la Banque Eric Sturdza, un élégant parterre de clients, amis et relations s’est pressé au Grand Hôtel Kempinski Genève lors de la conférence de Guy Sorman tenue sur le thème très attendu « Le Libéralisme et après ? » Précédée en avant-propos d’un captivant « Etats-Unis, Europe face à l’Impérialisme chinois : quelles incidences sur les marchés financiers ?« par Bruno Desgardins, Chef économiste et Membre de la Direction Générale de la Banque, une actualité pointue suivie avec intérêt.

Avec les mots de bienvenue, rappelant l’esprit entrepreneurial de la banque, Claude Gonet, Conseiller de la Direction Générale et Membre de la Direction de la Banque Eric Sturdza, a souligné comment des sujets inspirés par les nouveaux défis posés au monde étaient une occasion de se livrer à une réflexion globale et, par là-même, de présenter une vision autre de l’économie. A travers le filtre d’orateurs faisant autorité dans leur domaine, la réflexion n’en a été que plus captivante !   Pourquoi avoir choisi le thème « Le libéralisme et après ? »  Pour s’interroger sur le sens des événements actuels dans ce monde en effervescence technologique dans lequel nous vivons et pour tenter d’y apporter les réponses. Réponses qui permettraient de faciliter des prises de décisions personnelles. Et financières !

En mauvaise posture

Avec l’effondrement du fascisme et du communisme, voués à disparaître, le capitalisme semblait assuré de réguler le monde mais l’histoire en a décidé autrement. Aujourd’hui, c’est au libéralisme d’être en mauvaise posture… rappelait Claude Gonet dans son introduction. Si à présent, on tient largement compte de la psychologie des peuples en marketing, ce n’est pas le cas en politique – du moins insuffisamment – tant il est vrai que c’est la psychologie des peuples et des masses qui (ré)écrit l’histoire. Et d’enchaîner, ces valeurs qui ne sont ni naturelles, universelles ou éternelles… il convient de les défendre!

C’est ainsi qu’après les années de prospérité, un sentiment d’appauvrissement et d’inégalité s’est abattu sur une certaine population occidentale dont le libéralisme ne résout plus les problèmes. Ces constats et certaines opinions qui engendrent la méfiance contre le libéralisme expliqueraient la montée du populisme. Fruit d’une conviction, le libéralisme reste néanmoins une valeur idéale, une volonté de mise en œuvre à réinventer afin qu’il continue d’exister face aux facteurs minant liberté et égalité et menaçant gravement la perte de milliards d’emplois.

L’esprit d’entreprendre

Considéré comme le fondateur du renouveau libéral, on ne présente plus Guy Sorman, énarque, économiste-philosophe. Contributeur à plus de 300 titres, il est le porte-drapeau du libéralisme et sa prise de parole a été très applaudie. Sorman brosse un libéralisme se percevant perpétuellement en difficulté. Ni de gauche ni de droite, jamais triomphant, plutôt anxieux, avec une capacité de remise en cause et qui assure que rien n’est jamais perdu ! Modeste, libre penseur, le libéral n’a pas réponse à tout et ne s’insurge contre rien. Par ce portrait, somme toute sympathique du libéralisme, Guy Sorman entame le vif du sujet.

S’il est communément dit : chacun pour soi et le marché pour tout le monde, ce n’est pas ainsi que cela se passe, l’équité n’intervient pas là où le hasard et la chance dictent les destins et les parcours… Le libéralisme est-il en crise ? La pensée libérale n’est pas une réflexion en chambre où tous les « ismes » partis de manuels s’imposent pour faire le bonheur des populations malgré eux. Ici, il est question de faire confiance à l’expérience, à encourager les entreprises et développer l’esprit d’entreprendre par une mise en confiance remettant en cause le monopole interventionniste de l’Etat…

La redistribution des richesses ne fonctionne pas par idéologie, mais appuyée par les démocraties libérales auxquelles on donne le pouvoir. Question de dignité, pour Guy Sorman, il convient de tout mettre en œuvre afin que l’ensemble de la population perçoive un revenu minimum universel et paye un impôt proportionnel à sa situation. Il prône également une taxe carbone versée par tous et le seul « isme«  auquel il consent est le climatisme comme idéologie environnementale. Sans solidarité, il n’y a point de libéralisme !

L’identité sociale

Autrement, avec le recul de la pensée libérale, si le voisin s’enrichit plus vite que nous, nous ne l’acceptons pas ! Guy Sorman l’affirme, nous ne nous enrichissons pas ensembles, les pauvres s’appauvrissent, les revenus moyens diminuent et le riche augmente ses gains… L’élite tend à se reproduire, parents éduqués dans les grandes écoles, les enfants calqueront le schéma et convoleront, le plus souvent, dans la même échelle sociale. Une partie de la population, sans instruction ni formation est ainsi laissée pour compte.

Sorman pose également la notion de l’identité sociale qui est la richesse en soi, celle qui, passant par l’éducation, permet un saut social rapide et efficace. Privilégier l’individu, la communauté, le réseau – avec un principe de mobilité – contribuent à cette richesse sociale, un capital qui, lui, n’est pas taxable. Or, la mobilité sociale est en panne, affirme-t-il, loin des acquis les plus récents, il convient de donner aux familles ce lieu d’impact des nouveaux liens éducatifs! Et, comme d’habitude, l’analyse nouvelle de ce message important mettra 30 ans pour son application ! Avons-nous le temps ?

Une valeur idéale

De son côté, précis et brillant, Bruno Desgardins en préambule avait esquissé une vaste illustration de son sujet, livrant avec moult chiffres le tableau historique et économique d’une Chine en phase ensoleillée désormais en butte à ses défaillances. Passionnant, le tableau a brossé les dangers – non sans conséquences pour les marchés financiers de l’Europe et des Etats-Unis – planant sur le pays. Entre autres, sa dette abyssale à l’augmentation galopante, ses surcapacités dangereuses, sa population en déclin et vieillissante… A cela, ajoutées les questions de mondialisation, la crise environnementale, une croissance vacillante, des oppositions internes… autant d’exemples avérés des limites d’un capitalise d’Etat en perte de vitesse. Le libéralisme reste en définitive la valeur idéale des peuples qui font l’histoire. Il a de beaux jours devant lui.

20 mars 2019
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