Orchestre de la Suisse Romande

Par Georgika Aeby-Demeter

Triomphal concert de clôture
Au Festival Internacional Santander

 

Le 68e Festival Internacional Santander a baissé les rideaux sur sa prestigieuse saison estivale en compagnie d’un invité de marque, l’Orchestre de la Suisse Romande sous la baguette de Jonathan Nott. C’est dans un Palacio de Festivales des grands soirs et un auditorium bondé jusqu’aux derniers rangs que l’OSR a comblé un public de connaisseurs avec Beethoven et Wagner au programme. Avec force applaudissements et rappels, les spectateurs ont fait un triomphe à l’orchestre. Sublime interprétation, une émotion palpable …

Dans le passé, le Festival Internacional Santander avait tenté d’attirer l’OSR révèle Jaime Martin, son directeur artistique. Souvenir émouvant, et significatif du centenaire de l’Orchestre de la Suisse Romande, c’est en 1957 que son fondateur Ernest Ansermet et ses musiciens s’étaient produits ici à l’invitation d’Ataulfo Argenta, pianiste émérite et brillant directeur musical espagnol. En effet, une première apparition avec l’OSR en 1954 avait forgé un contact amical entre les deux hommes et débouché sur plusieurs enregistrements à succès pour Decca. Cette relation allait mener l’OSR sur la scène du Palacio de Festivales qui devait alors accueillir le premier orchestre étranger se produisant à Santander. Ataulfo Argenta décédera prématurément en 1958. L’Auditorium de la salle de concert du Palacio porte son nom.

Fondateur de l’Orchestre de la Suisse Romande en 1918, Ernest Ansermet en fut le premier Chef titulaire. Comptant 112 musiciens permanents comme à ses débuts, l’OSR assure les concerts d’abonnement à Genève et Lausanne, les concerts symphoniques de la Ville de Genève, celui, annuel en faveur de l’ONU, ainsi que les spectacles lyriques au Grand Théâtre de Genève. Ses tournées internationales le conduisent à travers les continents, sans omettre les nombreux festivals dont il est l’hôte. En 2019, à l’exemple de Santander, c’est l’Asie qui retrouve l’OSR pour 9 représentations…

L'OSR _Affiche Saison 2019 20202018-2019 aura été la Saison de la fastueuse célébration de son Premier Siècle. Pour conduire le prochain grand défi séculaire, l’Orchestre de la Suisse Romande a accueilli en 2017, un bâtisseur de ponts, le sémillant Jonathan Nott, nommé Directeur artistique et musical. Il cumule également une même fonction à l’Orchestre Symphonique de Tokyo depuis 2014. Acclamé, entre autres, pour ses interprétations mahlériennes, Jonathan Nott a signé une importante collection d’enregistrements à succès. Son premier disque à la direction de l’OSR –  œuvres de Richard Strauss, Claude Debussy et György Ligeti – a été lancé en septembre 2018 chez Pentatone.

Avec le Maestro, si la Saison actuelle s’inscrit avec fougue dans la nécessité du partage, elle s’élance également sur des territoires peu explorés. A première vue, entre une Symphonie de Beethoven, un Divertimento de Mozart ou encore un Concerto de Haydn… le catalogue semble d’approche aisée. On ne s’y fie pas ! Jonathan Nott ne peut s’empêcher de décocher en cours de route, des clins d’œil aux spectateurs. Aussi, sans hésitation, il fait dialoguer deux figures majeures du XXe Siècle, Chostakovitch et Britten pour découvrir autant les réponses – que les questions – qu’ils se posent sur les adversités de l’époque. Traditions et découvertes renforçant les liens de l’orchestre avec la création contemporaine, Jonathan Nott outrepasse les barrières en accueillant un compositeur en résidence pour la première fois. Il jubile aux bravades de Yann Robin et ses touches désarçonnantes. Décidément, la musique n’est que bonheur !

Destination touristique chic

Hotel Real (c) Manuel Alvarez

Santander, élégante ville espagnole à 75km de Bilbao, capitale de la communauté autonome de Cantabria, est connue historiquement pour ses florissantes activités portuaires et marchandes, notamment avec les Amériques. Fréquentée par une société distinguée prenant ses habitudes à la suite du roi Alfonso XIII qui, appréciant le climat et le charme de Santander, y déplaçait sa cour l’été, la cité se développa naturellement en une destination touristique chic. L’adresse estivale exclusive sur la côte nord de la péninsule Ibérique. La Vieille ville vit ainsi s’ériger vers 1908, dans l’esprit de l’époque, autour de ses ruelles médiévales, constructions cossues et demeures familiales, les emblématiques Hôtel Royal, Grand Casino, l’hippodrome… et autres édifices classiques.

Outre appartenir au Club des plus belles baies du monde, Santander s’appuie sur une lointaine tradition culturelle qui, s’étant développée, entre autres, avec le passage de pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, n’a pas cessé de s’affirmer au cours des âges… Le Palacio de Festivales, œuvre de l’architecte Francisco Javier Sàenz, en est la plaque tournante essentielle. Le cœur palpitant de la musique, du chant lyrique et de la danse, dont le célèbre Festival Internacional Santander est, depuis 1952, le porte-drapeau. Aujourd’hui, sous la direction de Jaime Martin, le Festival s’enorgueillit d’avoir vécu sa 68e édition. Et clôturé la Saison en beauté avec l’Orchestre de la Suisse Romande.

A l’affiche du 68e Festival Internacional Santander cet été, une collection dense, fiévreuse et variée, pas moins de 58 concerts, sélectionnés par Jaime Martin (également Chef d’orchestre au Los Angeles Philharmonic Orchestra ainsi qu’au National Symphonic Orchestra d’Irlande). De la Mahler Chamber Orchestra à la London Philharmonic, en passant, entre autres, par l’Amsterdam Baroque Orchestra & Choir, le Ballet Flamenco de Andalucia… ils ne peuvent être cités tous. A ce recueil, s’ajoutent les programmes pour jeunes et aînés, les workshops et diverses initiations à la musique et l’inspirante recherche de connexions insolites. Et nouvelles. Si la majorité du public vient d’Espagne et se situe dans le cercle des spectateurs connaisseurs et élégants, notoriété oblige, Jaime Martin le confirme, le Festival de Santander accueille de plus en plus de visiteurs du monde entier.

Rencontre avec Jonathan Nott à Santander

Il est arrivé au Palacio de Festivales pour la répétition générale, décontracté et souriant, prêt pour l’interview prévue, qui allait se révéler (trop) brève, même prolongée de dix minutes. Et toutes les notes ne suffiront pas à transcrire ses paroles. Noires ou blanches, elles palpitent, s’émeuvent, se cherchent, interrogent et rassurent. Jusqu’à en oublier nos propres questions. Et emmêler nos propos. Débordant d’enthousiasme, il est la musique faite homme ! Echanges à bâtons rompus.

Jonathan Nott dirigeant l'OSR Festival Internacional Santander ©️Pedro Puente Hoyos

 

Exclusif Magazine : Comme au Grand-Théâtre avec Aviel Cahn, il semble que Genève, en termes de spectacles et de musique, fasse des choix artistiques plus audacieux. Allons-nous finalement reconnaître que la Cité de Calvin est bien plus avant-gardiste qu’elle ne le parait. Quel est votre sentiment ?

Jonathan Nott : La Suisse ne m’est pas inconnue, avec une première expérience dès 1996, j’ai passé près de 20 ans à Lucerne. Je connaissais peu Genève, une grande ville avec une grande histoire, tournée vers l’art, avec un orchestre fabuleux. Genève la Calviniste, l’ONU… C’était une époque intéressante avec beaucoup de brassage me laissant découvrir et ressentir une cité très ouverte et avant-gardiste.

Jonathan NOTT(c)Guillaume MégevandIl me plait partager des expériences avec le public et de présenter les œuvres que j’aime. A la direction de l’orchestre, le dos tourné aux spectateurs, je sens la salle vibrer, respirer, communier. Je peux palper si elle ne s’émeut pas. Dans ce cercle magique entre musiciens et spectateurs, je devine si le public partage en retour ce que nous lui apportons.

J’interprète les bruits, les froissements qui me parviennent, les silences de politesse comme les soupirs d’aise ou de lassitude. Les mouvements ou le calme de l’absence. En me retournant, en fin de concert, je peux éprouver un sentiment indicible de bonheur. Diriger un orchestre est une manière de prendre les musiciens par la main et de les tirer, comme qui dirait, hors de leur zone de confort.

La musique est un langage non verbal, indéfini. Peu précise, son expression laisse place au subjectif, à l’émotionnel, il ne s’agit pas de porter ici un jugement juste ou faux mais d’accepter une interprétation laissée libre à chacun, sans notion d’élitisme aucune. La communication passe au niveau de l’inconscient. La musique change la personne et varie de l’une à l’autre. Le lien avec le public est une vraie relation, celle de la confiance qui permet de croire en ce que l’artiste propose de nouveau.

La musique actuelle ? Les temps anciens ont connu leurs musiques actuelles, elles ont été nouvelles au cours des siècles avant d’être considérées classiques et de devenir traditionnelles. Classique ou contemporaine, la musique évoque des choses incroyables,  porteuse de chocs, de nostalgie, de tempête, elle génère émotions et philosophie. Sans tourment, il n’y a pas d’émotion. La musique fait partie du langage, de l’âme, de l’architecture d’une personne. (Re)connaître un langage et non pas la technique est typiquement significatif en musique. Contemporaine, elle arrive des tréfonds et prend des chemins de dissonances. Conserver la barrière habituelle où la changer ? Un mur de bruit peut devenir magnifique à qui sait entendre. Et ressentir.

Propos recueillis par Georgika Aeby-Demeter à Santander 

05 septembre 2019
Vidéo ©️Festival de Santander. Band on the Bend
Crédit photos GAD, Guillaume Mégevand, Manuel Alvarez, Niels Ackermann, Pedro Puente Hoyos, Office du tourisme de Santander
Site officiel www.festivalsantander.com/
Site officiel www.osr.ch/fr
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