Circuits culturels et architecture en Haute Engadine
Séduisent les amateurs d’expositions et d’accrochages
L’Engadine est mondialement connue pour St. Moritz, ses palaces et son grandiose domaine skiable. Outre les grandes manifestations qui s’y tiennent, en quête de nouveautés, le berceau du tourisme hivernal s’est paré, au cours des ans, de galeries et d’enseignes ponctuant la région d’installations exclusives. Cet été, la Haute Engadine mène une opération séduction auprès des visiteurs suisses et, notamment romands. Lancées en des circuits artistiques, expositions et collections privées d’art contemporain offrent ici un véritable voyage de découvertes culturelles. A ne pas manquer !
Entre lacs et sommets enneigés, avec son magnifique panorama et son exceptionnel ensoleillement, située sur le versant sud des Alpes suisses, dans le Canton des Grisons, à quelque 1800 m d’altitude, St. Moritz est la station jet set de la vallée. Si tout a commencé ici, en Haute Engadine, en ces montagnes très appréciées des Anglais, c’est l’été qui attirait alors tout ce beau monde. Le tourisme et l’hôtellerie s’y sont développés en 1856 avec l’Engadin Kulm, un premier établissement de Johannes Badrutt auquel revient également l’initiative d’une saison hivernale inaugurée en 1864 ! Les dés étaient jetés, Pontresina, Celerina, Silvaplana et Sils ne sont pas demeurés en reste. Avec l’évolution des transports ferroviaires, toute la Suisse a suivi. Les sports d’hiver étaient nés !
Hiver comme été, avec des animations de saison essentiellement sportives, l’authenticité qui y règne et cette complicité omni présente avec la nature, s’ouvrant aux curieux, l’Engadine développe ses atouts. Hauts sommets, culminant pour certains à 3000 m, région de gorges et d’étroites vallées, c’est une succession de villages aux maisons blanches, à l’architecture typique, cossue et élégante. En bois et pierres, fidèlement préservées, celles construites au XVIe siècle, restent une fierté et méritent le déplacement. L’âme engadinoise s’exprime avec force à travers ces demeures nobles, ces murs épais marquant une assurance sans faille taillée dans le roc… Une détermination forgée au gré de la rudesse du climat. Des circuits sont organisés pour les visiter.
On admire les larges toits pentus, les fenêtres en entonnoir, les tours en pointe à encorbellements, les immenses portails de l’étable à bétail, les granges à foin, de la cave au grenier, jusqu’à la terrasse couverte ! Sans oublier les portes cintrées et, surtout, les sgraffites des façades (de sgraffare en italien), ces inscriptions, maximes, motifs et dessins, qui griffent les murs de beaux mouvements peints en couleurs gravés dans l’enduit sur une surface encore humide… L’Engadine doit beaucoup à ses expatriés qui, fortune faite, revenaient au pays. Partis travailler à Venise ou, de ville en ville, du Nord à l’Est de l’Europe, les randulins se plaçaient comme confiseurs et pâtissiers. Ils bénéficiaient ainsi de privilèges leur permettant, rentrés au village, de se faire construire ces belles grandes maisons qui appartiennent au patrimoine aujourd’hui.
Les Sentiers artistiques Vias d’Art Pontresina 2020, dans leur 5e édition d’été, inaugurés fin juin, seront visibles jusqu’au 15 octobre. Il s’agit d’une installation magistrale à découvrir en une déambulation avec 24 arrêts sur toute la longueur de la Via Maistra, l’artère principale de Pontresina, à seulement 7 km de St. Moritz. En un échange entre artistes grisons et ceux plus éloignés de la région avec, pour cette année, la présence de créateurs suisses romands, la manifestation à Pontresina, se veut plus qu’un événement land art, elle fait partie des plus importantes expositions d’art contemporain dans les espaces publics. Prônant les plateformes d’expressions diverses, elle encourage les rapprochements et s’engage, chaque saison, à étonner et révéler ces créations dans l’air du temps. Ou totalement à contre-courant ! Surprises.
Not Vital – né à Sent en 1948 – est l’enfant chéri de la Basse Engadine. Le créateur suisse, dont les œuvres sont visibles partout dans le monde, est l’artiste contemporain aux expressions aussi diverses et multiples que la peinture, la sculpture, le graphisme et l’architecture. Interpelant des fans sans frontières, ni aprioris, utilisant moult techniques, ses créations se retrouvent exposées dans les plus grands musées et galeries ainsi qu’éparpillées autour de la planète, érigées en de célèbres espaces publics. On peut les voir à l’Hôtel Krone La Punt, en compagnie de nombreux peintres et photographes grisons qui restent en lien avec leur vallée d’origine : Matias Spescha, Gaudenz Signorell, Albert Steiner et Thomas Zindel pour ne citer qu’eux… L’exposition présentée sur les murs de cette demeure historique provient de la collection privée du propriétaire Beat Curti et de l’architecte Hans-Jörg Ruch, tous les deux, experts en art contemporain.
Un nouveau circuit culturel Kultur Pur ou Culture à l’état pur prend le départ de l’Hôtel Krone pour une excursion Art Contemporain avec quatre variantes quotidiennes, à choix, dont une essentielle, au Château de Tarasp en Engadine acquis par Not Vital… Et, cette autre, issue de la collaboration de la Fondation Walter A.Bechtler avec la Haute Ecole des Beaux-Arts de Zurich donnant jour à Art Public Plaiv. Elle rassemble, entre autres, autour de thèmes et de discussions, des œuvres se prêtant aux divers sujets débattus… Une journée, complétée par la visite de différentes galeries, se termine à l’Hôtel Castell, lequel recèle, également une incroyable collection privée, en l’occurrence, celle du propriétaire des lieux, le grand collectionneur Ruedi Bechtler. A citer, les plus connus, Pipilotti Rist, Roman Signer, Carsten Höller, James Turell, Martin Kippenberger…
La visite du circuit Kultur Pur, effectué lors du séjour, a permis de découvrir un époustouflant Musée inauguré tout juste en janvier dernier. Imaginé et créé par la collectionneuse d’origine polonaise Grażyna Kulczyk – milliardaire et entrepreneuse – décidée d’insuffler une nouvelle dynamique à la petite localité de Susch. Avec un programme ambitieux, inspiré du rôle des femmes dans les arts et les sciences, entre haute et basse Engadine, le Muzeum Susch s’est installé dans un ancien couvent. Des travaux titanesques ont chahuté la vie paisible du village qui s’est retrouvé devant son monastère du XIIe siècle et de sa brasserie historique transformés avec un passage souterrain creusé pour relier les différentes infrastructures… Le tout mené tambour battant, en philanthrope avisée, par Grażyna Kulczyk, A l’issue de l’inauguration, au vu de la fréquentation enregistrée, le Musée semble déjà avoir trouvé son public. Bravo !
A citer également, dans le programme des visites, l’exposition à l’Hôtel Saratz de Bignia Corradini avec ses envolées acryliques colorées, ses interprétations sur bois et papier. Et la galerie Von Bartha S-chanf, avec les œuvres d’artistes d’expressions diverses sur toile, aluminium et verre dont des Landon Metz, Anna Dickinson et Terry Haggerty très convoités. Si l’Engadine est en passe de devenir un spot incontournable de l’art contemporain, si ces personnalités attachées aux charmes de la vallée, entre autres, Giovanni Segantini et les Giacometti, Friedrich Nietzsche, Richard Wagner, Hermann Hesse, Thomas Mann, Arturo Toscanini, Richard Strauss, Herbert von Karajan…ont fait sa notoriété, il convient de garder en mémoire la culture fascinante de l’Engadine.
Se souvenir que ses paysages, son ensoleillement, ses traditions et courses de traineaux tirés par des chevaux, sa fête du 1er mars, ses sgraffites, sa gastronomie et sa célèbre tourte aux noix, le romanche, la 4e langue officielle de la Suisse, ont tout autant pesé dans la balance du succès ! Allegra !